RECHERCHES SUR MOLRE.                          43
vant ici, il a soin de faire ajouter, en marge de l'obligation souscrite à Jeanne Levé, son nom de comédien.
En devenant le chef des comédiens de l'Illustre Théâtre, en signant le premier les obligations souscrites par eux, et nous n'en connaissons encore qu'un petit nombre, Molière assumait sur lui une lourde responsabilité. Les recettes étaient insuf­fisantes, les fournisseurs n'étaient pas payés, les obligations n'étaient pas remboursées au terme stipulé, et Molière, ­pondant pour tous, se vit un jour saisi et emprisonné au grand Châtelet. Cette épreuve, subie par le poëte au commen­cement de sa carrière, semble avoir été pressentie, et, s'il en était besoin, justifiée à l'avance par M. Sainte-Beuve qui a dit, en citant comme des nies exceptionnels, Shakspeare, Cervantes, Rabelais, Molière : « Ces hommes ont des destinées diverses, traversées ; ils souffrent, ils combattent, ils aiment. Soldats, médecins, comédiens, captifs, ils ont peine à vivre ; ils subissent la misère, les passions, les tracas, la gène des entreprises. Mais leur nie surmonte les liens, et, sans se ressentir s étroitesses de la lutte, il garde le collier franc, les coudées franches1. »
Les documents qui constatent l'emprisonnement de Molière ne permettent pas de préciser la durée de sa détention2; Mo­lière était au grand Châtelet le 2 et le 4 août 1645; il était libre le 13 du même mois, mais à quelle date avait-il été arété ? quel jour avait-il été mis en liberté ? Put-il incarcéré une première fois, relâché, puis saisi de nouveau ? cette der­nre hypothèse est la plus probable.
Le 2 août Molière était au grand Châtelet en vertu d'une sentence donnée par les juges consuls, par faut, contre lui, « au profit de Antoine Fausser, maître chandelier, faute
des pérégrinations de Molière dans le Languedoc, par M. Emm. Raymond, page 49).
L Critiques et Portraits littéraires, 1836, in-8, tome III, page 132.
2. Les registres du greffe de la geôle du grand Châtelet de Pari;*, conser­vés aux Archives de la Préfecture de police, ne remontent pas plus haut que Tannée 1651.